Aliasim Akondo Bandifo

Aliasim avec les amis conteurs
Aliasim avec des amis.

Ces pages sont un hommage à un artiste-conteur de Kolowaré qui n'est plus avec nous. (1) Son souvenir ne peut ni ne doit se perdre. Un petit recueil de contes a été déjà édité en son souvenir. Voici les photos de la couverture et du dos du fascicule. Dans les deux photos on voit en premier plan un visage. Il s'agit d'Aliasim Akondo Bandifo (2) de Soudou. Autour de lui d'autres conteurs. C'est une partie du groupe qui se réunissait à la mission de Kolowaré le mercredi. Sur la couverture Aliasim est entouré de Saïbou Zakari, à sa gauche, et de Saïbou Bassafou Idjossena, à sa droite. De dos, Bamélé Pauline.
Sur la deuxième photo Aliasim est avec Seybou Sebabe Giagafo, et Saïbou Bassafou Idjossena. Dans le fond, la paillote sous laquelle les conteurs se réunissaient pour la séance.

Les histoires publiées ici on été racontées par Aliasim Bandifo. Aliasim faisait partie de la première équipe de conteurs qui venait à la mission tous les mercredis à partir de 2005. Il est décédé le 18 mars 2009. Avec lui c'est le troisième conteur du groupe qui s'en va.

Au début de chaque performance il aimait se présenter sous différents noms : Aliasim Bandifo, bannaa barana, ou bien Aliasim Congolais, ou encore Aliasim Bandifo Akondo. Voici les débuts de deux contes : C'est moi Congolais, ike the boy bandifo. C'est moi Aliasim Congolais Bandifo qui fais ce récit. Voici mon conte. Dès fois il ajoutait son lieu d'origine : C'est moi Aliasim Bandifo de Soudou, dit Congolais.

D'autres fois encore, pour créer l'atmosphère, pour la « chauffer » il commençait par saluer chaleureusement les membres de l'équipe et à faire des commentaires liés au moment présent : Bonjour à tous, bonjour, comment ça va, il fait encore jour. Nous nous sommes encore retrouvés sous notre apatam, nous et la sécheresse. (Les autres répondent) - Eh oui, la sécheresse est vraiment là ! - Hier quand j'étais parti dans mon champ les feuilles de manioc séchaient. Et quant aux nouvelles pousses d'ignames, n'en parlons pas, c'est encore plus grave.

Aliasim, l'artiste conteur
Aliasim et son regard.

- J'ai appris qu'il a plu à Kpalimé, (répond Avocat.) - Kpalimé est loin de nous, nous parlons de ce qui nous concerne (réponse des autres). Il ne faut pas comparer un lieu à un autre, nous parlons de chez nous. (Le conteur salue à nouveau l'assistance) - Bonjour à tous. C'est donc moi Aliasim qui ouvre la séance de contes, mon nom est Bandifo gè bannaa barana.

Aliasim n'hésitait pas à donner des explications à l'intérieur d'un récit quand l'assemblée ne comprenait pas bien des passages difficiles. Dans le conte Origine du mariage (3) des génies invitent un homme à « rentrer dans la rivière » pour pouvoir trouver une femme à marier.

Le public ne comprend pas (4) et demande des explications : quel est le sens de tout cela ? Et le conteur de répondre : encore de nos jours on fait cela. Chacun de nous a ses origines dans l'eau, et il a un cours d'eau qui le protège. On doit offrir à la rivière des sacrifices. On prend les poulets adaptés au sacrifice. Le sacrifice est accompagné des tambours akirima e Kamou. Pendant l'émission du conte il y a d'autres dialogues. A la fin le public dira encore : Ah ! Aujourd'hui nous avons compris pourquoi les hommes amènent les femmes chez eux.


1) Avec lui nous voulons aussi faire mémoire et ne pas oublier d'autres conteurs qui ne sont plus avec nous : Seybou Sebabe Giagafo et Adjéretou Ciakora du groupe du mercredì, le même auquel appartenait Aliasim ; Fouléra Alfa et Alassani Samiré du groupe qui se réunissait au village dans la cour de ce dernier, Tchayandé Soulemana de la cour de Kpadjawè et Amadou Latif décédé subitement le 11 mars 2010, un remarqualble animateur des séances dans la cour de Kpadjawé.
Au début de chaque performance se présentait avec son nom d'art: to na botoo: parle et les problèmes vont diminuer, on va les résoudre et tu te porteras mieux.

2) Le mot a ce sens : mande : ce qui est pour moi, ce qui me concerne. Mandifo : je couvre, je cache ce qui me concerne. Bande : ce qui est pour eux, ce qui concerne les autres. Donc bandifo : il couvre les leurs et bannaa : il voit ; baranaa : les autres : il parle donc du mal des autres. Quand on dit bandifo, les autres répondent de suite : bannaa baranaa. C'est un nom proverbe que tous connaissent.

3) Souliers 125. Pour approfondir le sujet voir Zakari Tchagbalé, Suzanne Lallemand, Toi et le Ciel, Vous et la terre, Contes paillards Tem du Togo, Paris, Selaf, 1982, 12.

4) En fait c'est un artifice littéraire. Même si le public connaît le conte, son déroulement, et les éléments culturels sous-jacents, tout le monde doit dire qu'il ne les connaît pas. On se réunit pour apprendre, donc on est censé ne pas connaître. Avec le mot « adaptés » on veut dire qu'on ne peut pas prendre n'importe quel poulet. Chaque cours d'eau demande un poulet d'une couleur particulière.
Souliers, 130.