Introduction

Ces contes ont été collectés à Kolowaré en 2008 et 2009. La plupart dans la cour de Kpadjawé, sauf quelques unités qui proviennent du groupe du mercredi qui se réunissait à la mission. Kolowaré est un village de la Préfecture de Tchaoudjo, dans la région centrale du Togo, canton de Kparatao, sur la route de Tchamba qui va vers le Bénin.
Ces contes ont été publiés en 2010 dans le fascicule Le don du Devin.

On trouvera ici certaines informations, déjà parues ailleurs, pour aider le lecteur à une meilleure compréhension des récits et à les situer dans le contexte de leur émission.

Le lieu des rencontres

En 2009 les conteurs se réunissaient à l'extérieur de la cour, sous un arbre juste à côté de la route goudronnée, entre le « garage deux roues » de Seydou Badjan, et l'abri d'Arouna où on vendait essence et produits alimentaires. De cette façon le rassemblement et l'atmosphère ludique de la séance, attiraient les gens de passage qui s'arrêtaient pour s'amuser avec les conteurs et le public. Les conteurs sont des Tem-Kotokoli vivant à Kolowaré ou dans les villages environnants. (1)

Conflits et tensions villageoises

Certains textes ici réunis ont déjà paru ailleurs. En fait ne sont pas les mêmes récits, mais des variantes sur des thèmes récurrents. Les conteurs sont différents, mais ils puisent dans la même tradition, et celle-ci n'est pas intarissable. D'ailleurs les problèmes évoqués sont pratiquement toujours les mêmes : manque d'eau, rapports conflictuels avec les Peuls, relations difficiles entre co-épouses, entre l'homme et l'univers mystérieux de la brousse, la communauté des chasseurs et ses règles, problèmes liés à la chefferie, les petits, les faibles, qui se jouent des grands, des puissants, etc.

Textes anciens et racines dans le présent

N'oublions pas que le « réservoir » de la tradition offre au conteur de multiples possibilités au moment où il construit son récit. C'est à chaque narrateur de faire revivre cette matière d'après son génie et son art. A l'intérieur d'un même récit, chaque conteur a une grande marge de liberté et de mouvement. Les séquences peuvent être organisées de façon complètement différente en fonction des talents du conteur, du contexte où le récit est narré, des préoccupations et du but poursuivi par le conteur.
La séance peut être comparée à un microcosme où l'on traite les problèmes, les conflits et les situations qui se vivent au village. Les matériaux sont traditionnels, mais l'actualisation a ses racines dans le présent.

Textes en Tem et en français

Les textes sont présentés dans les deux langues; français et Tem. Chaque conte a son titre: en français pour les textes français, en Tem pour les textes tem. Les conteurs ne donnent pas de titres aux récits. Les titres sont ajoutés comme des éclairages du texte pour en faciliter la compréhension. Chaque récit a son titre: en français pour les textes français, et en tem pour les textes tem. Habituellement l'un est la traduction fidèle de l'autre, avec quelques variantes signalées en note. (2)
Les textes Tem ont été transcrits par Tcha-Djéri Bédéwiya, puis traduits par Affo Larey et moi-même.
La version tem utilise l'alphabet et la transcription phonétique proposée par le Comité de Langue tem de Sokodé, en collaboration avec la SIL (Société Internationale de Linguistique) et le Ministère des Affaires Sociales. Pour le Tem on utilise les polices Doulos SIL Literacy remises à jour récemment par la SIL.
Dans la version française le tem n'est pas transcrit en caractères phonétiques, mais en « français ». La transcription est donc approximative.

Procédure et méthode suivie

Les chants sont souvent répétés plusieurs fois par le conteur et le public. Dans la version tem on garde habituellement les répétitions, mais pas toujours dans la version française où l'on se limite à deux ou trois versets.
On traduit en français le chant sans les idéophones, celles-ci ne pouvant pas être traduites. Pour la version complète des chansons se référer au tem. Les termes tem deti - daya (un conte, nous t'écoutons), ne sont pas traduits en français.
Dans les deux versions, on trouve les noms des personnages, des acteurs, en majuscules et, dans la version française, au masculin sans article, même si en français ils sont de genre différent, par exemple Araignée, Tortue, Chèvre, Panthère, Grenouille, etc. Ainsi on n'écrira pas « la pintade », « le lion », « l'araignée », « le serpent », « le bouc », « l'éléphant », « le caméléon », « la richesse », mais Pintade, Lion, Araignée, Lièvre, Serpent, Panthère, Chasseur, Singe, Bouc, Caméléon, Rônier, Richesse, Courage, Fécondité, etc. Au pluriel on écrira aussi Singes, Chiens, et non les Singes, les Chiens.
Quand le conteur veut mettre en exergue que son personnage est féminin, on traduira alors : Lion-Mère, Singe-Mère, en gardant le féminin.

Un mot sur la traduction des textes

La traduction n'est ni littéraire, ni littérale, mais textuelle. Elle s'efforce de conserver certaines caractéristiques de l'oralité: style, images, phrases idiomatiques,(3) astuces du conteur, répétitions, idéophones, etc. C'est pourquoi, la traduction peut paraître tortueuse, surprenante et désagréable à l'oreille, surtout pour un lecteur non habitué au français d'Afrique.
Comme on l'a déjà souligné plusieurs fois, la façon de dire, de raconter les textes en tem ne peut pas être « écrite », on ne peut guère traduire l'oralité. Dans ces textes on a fait un nouvel essai en utilisant une ponctuation qui s'efforce de conserver un brin de la musicalité et du rythme de la langue tem : les paragraphes se suivent sans trop de coupures ; on omet les points [.] pour garder la cadence de la langue ; on ne trouve pas les guillemets [« »] ni les traits [-] pour dialogues ; après les deux points [:] le texte continue sans majuscules ; il en est de même après le point d'interrogation [?] et d'exclamation [!], le discours s'enchaîne sans majuscules ; de courts dialogues entre deux, ou plusieurs personnages se suivent, sans interruption, pour garder la fluidité du discours tem.

Quelques exemples : Celui-ci dit : oh ! l'autre dit aussi : oh ! un autre également : oh! Alors Crapaud dit : il peut le faire, le serpent Canoogo dit aussi : il peut le faire, le Roi dit alors : bon, c'est bien ! et tout monde s'est séparé.
[Des chasseurs demandent] : qui a tiré, qui a tiré ? mais, il ne faut plus chercher, dit Araignée, qui a le message à travers la flûte ? demandent certains, c'est Araignée, c'est Araignée répondent d'autres, donc le gibier appartient à Araignée.
[Les Peuls :] quel jour vas-tu nous verser l'argent ? le jour du marché, il leur répond, vraiment, le jour marché ? lui demandent les Peuls, oui, répond Chasseur, si c'est ce jour, c'est bien, reprennent les Peuls.

1) Voici les noms des conteurs. Les hommes : Amadou Abrazizou, Braïma Amadou Arouna, Agodomou Taminou, Tchayande Tchakoura, Akpo Salissou, Moumouni Awali, Amadou Souradji, Akpo Boutonou Latifou, Moumouni Mêmêm, Ouro Doni Moussa, Aboulaye Tanto, Mêmêm Seïdou, Amadou Seïdou. Les femmes : Amadou Assiétou, Amadou Aminétou, Amadou Moussabatou.

2) Quelques exemples. Le lecteur en trouvera d'autres. Dans le titre tem de Serpent et Crapaud : une amitié difficile on a omis le terme difficile, et on a traduit : Dom na Adjifoto bèdèè dondire. Le lecteur n'aura pas de difficulté à comprendre les enjeux de cette amitié. Dans la traduction tem de Le Serpent Canoogo et Crapaud, on a omis le mot serpent et on a ajouté le terme tige, l'élément autour duquel si déroule le conte : Canoogo, Adjifoto na tèdè. Une autre petite différence dans le titre : Bouillon d'oreilles pour creuser un puits, qui est rendu simplement en tem : Kozonga nigbamini. Dans le titre tem on a mis en exergue Lièvre qui ne veut pas se priver de ses oreilles.
Dès fois le titre proposé dans la page est différent de celui du texte. Un exemple: en cliquant sur La découverte de la souffrance on trouvera simplement Chien et Singe avec l'équivalent en Tem.

3) Deux exemples. Dans le conte « La stratégie des animaux » le conteur utilise les termes animaux sans plumes, pour parler des hommes. On pourrait traduire « les hommes », mais on garde l'image du conteur, plus riche et poétique, car c'est de cette façon que le conteur parle. Il en est de même dans le conte « Course entre Antilope et Grenouille ». On dit que Grenouille a la bouche mielleuse, il parle bien. On maintient l'expression du conteur.