Le Puits du Savoir
Contes Tem

Couverture du fascicule Voici une troisième série de contes Tem-Kotokoli, publiés dans le fascicule "Le Puits du Savoir" en 2008. Comme pour les des deux autres recueils, les textes ont été collectés à Kolowaré, un village à 18 kms de Sokodé, sur la route de Tchamba qui conduit au Bénin. Deux groupes de conteurs se sont réunis, de janvier à avril 2008, une fois par semaine, pour des séances de contes. Le premier groupe, le plus ancien, se retrouvait dans la cour de la Mission de Kolowaré, les mercredis après-midi, de 16h30 a 18 h. Le deuxième dans la cour de Kpadjawè, au village, les vendredis après-midi, de 15h30 à 17 heures.
Dans le premier groupe, il manquait un conteur de taille, Seybou Sebabe Giagafo, appelé habituellement « Kamou », car il était le tambourineur attitré du tambour kamu. Il est décédé en août 2006. Sa place a été prise par un autre conteur, le vieux Aboulaye Djibirila.

Le deuxième groupe aussi a été privé de l'un de ses conteurs. Le 4 avril 2008, Arouna, chef de cours et animateur principal de la séance, annonçait le décès de Tchayandé Soulemana, un membre de sa famille, toujours présent à chaque rencontre, survenu quelques jours auparavant.
Les contes ont été enregistrés sur des cassettes, avec un petit magnétophone Sony, et avec un mp3 numérique. Les textes Tem ont été transcrits par Tcha-Djéri Bédéwiya, puis traduits par Affo Laré, Kpazin Edmond et moi-même.

Pour la traduction des récits j'ai suivi les conseils de Paola Mastrocola qui écrit :
« Tu sais, traduire c'est respecter l'autre, le laisser parler comme il a décidé de parler et rester à l'écouter. Traduire c'est uniquement une affaire de politesse: tu essayes de faire comprendre aux autres ce que toi-même tu as compris. Mais sans altérer l'écriture de l'auteur, tu dois la laisser s'écouler à son rythme, comme le sang dans les veines. Au sang tu ne peux pas changer les veines, ce serait comme modifier le lit pour un fleuve. »
Dans la traduction on a donc essayé de conserver les caractéristiques et la saveur de l'oralité: style, images, phrases idiomatiques, astuces du conteur, répétitions, idéophones, etc. C'est pourquoi, la traduction peut paraître lourde, parfois bizarre, difficile, tortueuse, désagréable à l'oreille, surtout pour un lecteur non habitué au français d'Afrique.

un brin de l'art du conteur D'autre part un texte écrit ne peut rendre les effets stylistiques, les éléments phoniques, verbaux et mimiques du conteur. Par exemple la chaleur des salutations. Chaque conteur commence son conte en saluant les autres conteurs et le public, avec des formules variées, étoffées, colorées, selon les circonstances. A son tour, à la fin de son récit, le conteur est remercié et salué avec des formules codées, mais aussi spontanées, en lien avec le contenu du conte. D'autres éléments aussi ne peuvent pas être rendus dans le texte écrit : verve, ton de la voix, sourires, gestes, mélodies des chansons, silences, attentes, mouvements du visage et du corps, pas de danse, son du tambour ou des clochettes accompagnant l'émission du conte. Pour mieux visualiser son récits dès fois le conteur se lève et il se met à "le" danser, comme Seydou Badjan, dans les photos ci-jointes.

un brin de l'art du conteur On ne pourra jamais ni transmettre ni faire goûter au lecteur le milieu, l'ambiance, le climat de fête, l'atmosphère dans lesquels les contes sont racontés. La séance de contes est une fête, une fête villageoise de haut niveau. Ce sont des retrouvailles où tout le monde a un rôle actif, adultes et enfants. On est réuni pour se divertir ensemble, pour participer au jeu, s'amuser. Tous les présents y participent, chacun à son niveau. Le conte est visualisé, représenté, joué devant des acteurs qui voient le spectacle se dérouler devant eux, qui réagissent et qui jugent la qualité de la performance, par des réactions bruyantes et vivantes: cris, explosions de rires, chansons, approbations à haute voix accompagnées d'applaudissements prolongés, félicitations aux conteurs, danses, commentaires à n'en plus finir… Ainsi le conte, sorti de son contexte, perd une grande partie de sa beauté, richesse, saveur. On a réduit des textes vivants, produits devant un public, à des textes écrits, inanimés, sans vie. Ce qui est offert ici, c'est uniquement l'histoire et son message.

un brin de l'art du conteur Ces contes ne sont pas des documents littéraires comme la plupart des recueils de ce genre, ils ne sont pas à comparer, par exemple, avec les contes de Birago Diop, de Bernard Dadié, de Hampaté Bah, de Boubou Hama, etc. Ce sont des textes presqu'à l'état brut qui s'efforcent de faire goûter un « brin » de l'art des conteurs et de la fête qui entoure l'émission du conte. La traduction se situe à mi-chemin entre la traduction littérale et la traduction littéraire.

Ces textes appartiennent surtout au deuxième groupe, avec quelques unités de l'autre groupe et un texte du groupe réuni chez Mme Djubaï.

Le 17 février 2008, après un rendez-vous manqué dans la cour de Kpadjawè, alors que je revenais à la maison, madame Guida Saani Assoubietou, connue sous le nom de Djubaï, sachant mon intérêt pour les contes, m'invite à m'arrêter chez elle, sous l'apatam à côté de sa boutique sur la route, où il y avait un groupe de femmes et de jeunes filles. Le groupe, composé uniquement de femmes, s'est mis à conter. Peu à peu d'autres se sont unies aux conteuses, mais sans participer à l'émission des contes. La petite Agodomou Daredjatou, élève en CM2, s'est particulièrement fait remarquer pour ses performances. Le texte « Le Roi n'est pas plus malin que moi » est l'un de ses récits.

Le titre - Le Puits du Savoir - fait allusion à l'immense réservoir de la culture Tem, un réservoir sans étanchéité, ouvert à tous les apports extérieurs qui sont venus l'enrichir et la diversifier avec les différents savoirs des peuples que les Tem-Kotokoli ont accueillis et intégrés.