Voici d'autres contes Tem - kotokoli. Dans ce document nous présentons les textes français et le correspondant Tem.
Ces contes ont été publiés dans le fascicule Quand les Souliers parlaient aux hommes.
La version tem a été transcrite par Tcha-Djéri Bédéwiya et revue par le Centre de langue tem de Sokodé. (1)
La version française a été traduite par Aléjou Affo Larey et moi-même. La traduction ne suit pas toujours fidèlement le tem,
parfois le texte français est plus riche, d'autres fois plus libre, par exemple en rapportant les dialogues entre
conteur et public, omis dans le tem. Voir Rat Forgeron et La cuisine envoûtée ou encore Origine du mariage.
Le but de ces textes est très limité. L'approche, tout en se voulant sérieuse et rigoureuse, n'est pas académique,
mais empathique : on essaye d'entrer dans une culture, de faire connaître et partager quelques fragments
de ses richesses, de se laisser prendre par la main par les Kotokoli pour se désaltérer à « l'eau de leur puits ».
En même temps on veut mettre à la disposition des locuteurs kotokoli des textes dans leur langue.
La collecte a commencé en février 2005 et se poursuit toujours. Au début elle avait lieu surtout à la mission,
puis au village dans la cour du vieux Alassani Samiré. A la mission, au premier noyau de conteurs, d'autres se sont
ajoutés. (2)
Ce même groupe s'est réuni une fois dans une cour du village, un après-midi, pour une séance de contes avec des étrangers
de passage au village.
Au village le groupe de conteurs était plus diversifié, souvent s'en ajoutaient de nouveaux, jeunes et adultes qui se
relayaient dans la performance des récits. Depuis 2006, Fouléra Alfa, une des femmes, autour de laquelle s'organisait
la séance, est décédée, et pour le moment la collecte des contes dans cette cour est arrêtée. (3)
Mais d'autres portes se sont ouvertes. Vu l'intérêt que je portais aux contes, un groupe de conteurs m'a invité dans
la cour de Adam Kpadjawé pour des séances. Ici on a retrouvé des éléments de la séance traditionnelle des contes tem et
le milieu naturel dans lequel l'histoire est contée.
Ce ne sont plus les conteurs qui se déplacent et qui viennent à la mission pour conter, mais des conteurs qui se réunissent
chez eux, dans une cour, dans leur milieu.
Les conteurs sont regroupés dans un coin de la cour. En fait il s'agit d'un croisement de plusieurs cours, d'un lieu de
passage. Donc les conteurs sont exposés à la vue de tous ceux qui sont dans les environs et de ceux qui passent. Comme
dit le proverbe : « le coq a un propriétaire, mais sa voix appartient à tout le quartier ». En entendant la voix du
conteur, en voyant le groupe rassemblé, des gens s'arrêtent pour renflouer l'assistance et participer à la séance, pour
partager le plaisir de s'amuser ensemble.
Autour des conteurs la vie se déroule normalement : la vieille Fatoumatou Djobo, assise à l'ombre dans un coin de la
cour, vaque à ses occupations, en filant le coton, des femmes arrivent avec des cuvettes d'eau ou font la lessive, des jeunes mamans sont
assises ou debout avec leurs bébés, des petits enfants jouent dans les environs dans une cuvette d'eau, d'autres s'amusent
au pied d'un arbre, d'autres encore avec une bicyclette ou un pneu, un peu plus loin des jeunes sont assis à l'ombre
d'un nime en jouant « awalé », des marchands et marchandes passent avec leur cuvette de produits sur la tête : tapettes,
casseroles, éléments de toilette ; des jeunes circulent en faisant ronfler leur moto…
J'ai retrouvé en 2007 chez les Kotokoli de Kolowaré, le même intérêt, la même participation, le même enthousiasme
rencontrés dans les années '70 et '80 en Côte d'Ivoire chez les Anyi-Bona. (4)
Cela est très révélateur : malgré les changements et l'agression de la modernité, les contes sont toujours là, aussi
vivaces et résistants qu'autrefois. L'intérêt pour ce genre littéraire n'est pas perdu : des jeunes connaissent encore
des contes. Ils les ont appris, ils désirent et ils savent les transmettre.
Avec les contes c'est la société kotokoli
qui se présente aujourd'hui avec ses problèmes, ses tensions, ses projets, ses recherches, ses désirs, ses rêves.
A Kolowaré on ne trouve pas seulement des gens qui savent conter, on trouve de véritables artistes de la parole, chez
les vieux et les moins vieux. Presque tout le monde connaît des contes, et beaucoup savent conter, même très bien, mais
tous ne manient pas la parole de la même façon, avec le même art. Pour mieux apprécier les textes présentés, voici
quelques éléments de la séance narrative villageoise.
1 ) La version tem utilise l'alphabet et la transcription phonétique proposée par le Comité de Langue tem de Sokodé,
en collaboration avec la SIL (Société Internationale de Linguistique). Depuis les années '80 les deux organismes ont publié une série de textes pour alphabétiser les adultes
dans la langue tem. Quelques exemples :
un Pré-Syllabaire et trois Syllabaires, suivis d'un Livret de Lecture Tem, Apprendre à lire Tem en 15 leçons, une série de
fascicules sur l'écriture tem, plusieurs livrets
sur l'histoire des villages tem, d'autres sur des sujets d'utilité publique : la santé (Suule, Kunu-Kuku, Biruu),
le calcul (Lidee akontaa), etc. La SIL a traduit certains livres
de la Bible en Tem, par exemple l'Evangile de Marc (Maariki) et tout récemment le Livre de la Genèse : Bigabaaziya.
L'Eglise Catholique de Sokodé utilise régulièrement les textes liturgiques des dimanches, sur les trois années A-B-C.,
traduits en tem.
2 ) Voici le cercle habituel des conteurs; le groupe des hommes: Seïbou Sibabi Tchagafou, Zakari Saïbou, dit « Avocat », Saïbou Bassafou « Idjossina », Akondo
Aliasim « Bandifo », Badabo Baneyau, Tchaa Moussa, Moussa Bowuda; le groupe des dames: Salifou Adjeretou Ciakora, Mamatou Ouro Kora, Pauline Bamélé,
Aïzetou Sourouwé. Ces conteurs se réunissaient habituellement le mercredi après-midi à la mission de Kolowaré.
3 ) Les conteurs du village; les femmes: Fouléra Alfa, Samata Maliwouro, Madou Mariama, Abiba Abdoulaye; les hommes: Lamétou Daouda, Marou Mounansirou
« Tchalakpa », Alassani Alilou « Aimée ».