Les Anyi - Bona et leurs institutions

Les Anyi-Bona constituent l'un des nombreux sous-groupes anyi épars dans le centre-est et sud-est de la Côte d'Ivoire. Actuellement, la plupart des Bona sont regroupés dans la Sous-Préfecture de Koun Fao, entre les degrés 7 et 7°30' de latitude nord. Koun Fao se situe sur l'axe routier Abidjan-Abengourou-Agnibilékrou-Tanda-Bondoukou.
D'après certains témoignages de la tradition orale, les Bona se seraient établis en Côte d'Ivoire aux environs des XVIIème et XVIIIème siècles, avec quelques migrations complémentaires au siècle suivant.
Les Bona sont subdivisés en groupes qui forment des chefferies quasiment indépendantes. A l'heure actuelle il existe quatre chefferies importantes : les Abradè, les Amanvouna, les Assuadiè, les Dengaso.
A leur arrivée, les Bona ont trouvé des autochtones, notamment les Ananvué (groupés dans les villages de Kwamebonikro, Akayao, Ngaraoua, Ouatté, Pengakro, Tankessé). Après leur installation, d'autres éléments sont venus se joindre à eux : les Samo, occupant les villages de Koun Abronso, Petit Abengourou, Ngoumesa, etc.; les Danguira résidant actuellement à Broukro, Kotoguanda, Kongodia, Tanokoffikro. Aujourd'hui les Bona vivent côte à côte avec les Abron et les Koulango.
Chaque chefferie se caractérise par trois pouvoirs concrétisés en trois objets symboliques :

le tabouret, le bia bile, siège noir, ou adja bia, siège de l'héritage. Le tabouret porte le nom de l'ancêtre fondateur du groupe. Le siège ancestral est le symbole du pouvoir politique et de la relation aux ancêtres royaux dont le roi est le prêtre.
le sabre, le koto, symbole du pouvoir militaire, ou mieux du jus gladii romain, du pouvoir de vie et de mort. L'un de ces sabres prestigieux, appelé kananganinghi, est conservé à Assindi, dans un lignage expressément délégué pour cela. On le sort en des occasions particulièrement importantes, par exemple les funérailles d'un souverain, l'intronisation d'un nouveau chef (le nouvel élu prête serment sur ce sabre), la fête des ignames, etc.
le dja, l'ensemble de l'héritage, symbole de la puissance économique et lignagère. Il est constitué par les poids destinés à estimer l'or des impôts, des tributs, des amendes, et l'or utilisé pour les achats importants. En outre, on y trouve tous les insignes du pouvoir : cannes, bagues, couronnes, sandalettes, pagnes, etc. (1)

Au niveau de la parenté, les Bona relèvent d'un système préférentiellement matrilinéaire. Les descendants d'une même aïeule se regroupent dans une unité appelée awulo. La résidence demeure virilocale. Les enfants appartiennent à la famille de la mère, mais la femme va habiter chez son mari. Des segments de différents awulo se regroupent au sein d'une unité plus vaste appelée abusuan. Tous les descendants et tous les segments d'un même awulo se rattachent à un ancêtre commun, fondateur du groupe. Le successeur actuel de l'ancêtre fondateur est le famian, le chef du groupe, l'instance politique souveraine. Le famian est le chaînon qui lie le peuple d'aujourd'hui aux ancêtres, l'élément de cohésion de tout le groupe, celui qui assure la vitalité et la pérennité. Le famian possède à ses côtés et sous ses ordres, plusieurs chefs dont les sièges sont de rang inférieur à celui de l'ancêtre fondateur. Ils sont les auxiliaires du famian dans le gouvernement du groupe. A côté du famian on trouve la himian, la reine-mère. Celle-ci n'est ni la mère du famian selon le sang, ni l'une de ses femmes. Elle appartient à la catégorie des soeurs classificatoires du souverain. Elle est la femme la plus proche généalogiquement de l'ancêtre fondateur féminin du groupe. Elle est le symbole de la femme génératrice. Encore aujourd'hui elle jouit d'un pouvoir réel, important et étendu. Le souverain est entouré d'un conseil de notables: un porte-canne, qui est en même temps son porte-parole, un prêtre de la terre, un chef des jeunes, etc. La reine-mère, aussi, a dans sa cour des servantes qui travaillent pour elle, et des jeunes filles pour l'aider dans les travaux domestiques. Une place importante est occupée dans la société par le komian, le prêtre-guérisseur-devin. Il assure trois fonctions principales :

- intermédiaire entre le monde des vivants et le monde des puissances, des divinités;
- médecin-thérapeute, expert connaisseur de la pharmacopée traditionnelle;
- interprète décodeur des événements présents et futurs à travers la divination (2).

C'est à lui qu'on s'adresse pour offrir des sacrifices aux divinités, pour se soigner dans les maladies, pour connaître l'avenir. Chaque komian a ses lieux de cultes et un petit sanctuaire où il conserve ses objets religieux et ses fétiches.

1) G. NIANGORAN-BOUAH, Symboles institutionnels chez les Akan, l'Homme, 1-2(1973), 211.
2) Ce personnage ressemble au iatromante grec qui est en même temps médecin, devin, purificateur et thaumaturge. Cf. J. P. COULIANO, Expériences de l'extase, Paris, 1984, 26.